L’Afrique à l’aube de sa souveraineté en matière de gouvernance climatique: enseignements du panel sur le Crédit Carbone Souverain avec la participation du Directeur général du CAFRAD

Vendredi 21 novembre 2025– La 3ᵉ édition des Ateliers Durabilité pour l’Afrique a marqué une étape décisive dans le débat continental autour de la souveraineté climatique. Au cœur de cette dynamique, le panel intitulé « Crédit Carbone Souverain en Afrique – À la veille du G20 » a offert un moment rare de lucidité collective, porté par des échanges d’une qualité exceptionnelle. En effet, les contributions des experts, et panélistes présentes ont permis d’éclairer avec une profondeur inédite et sans fioritures les enjeux structurants d’un concept appelé à devenir l’une des pierres angulaires de la gouvernance climatique africaine.
L’Afrique entre dans l’ère de la souveraineté sur ses ressources naturelles
Les échanges ont confirmé une idée essentielle : le Crédit Carbone Souverain dépasse largement le cadre d’un mécanisme de marché. Il constitue avant tout l’affirmation du droit de propriété souverain des États africains sur les stocks de carbone générés par leurs écosystèmes.
Conçu pour garantir une juste rétribution et renforcer la gouvernance nationale et régionale, ce mécanisme place l’Afrique dans une posture stratégique : celle d’un continent qui maîtrise ses ressources, définit ses propres normes et construit son avenir climatique sur ses propres termes.
Le panel a permis de développer un narratif continental cohérent autour des cycles du carbone : le carbone fossile est à réguler et le bio-carbone est à valoriser. Cette distinction, souvent négligée dans les débats globaux, ouvre la voie à une approche africaine du carbone fondée sur l’équité, la restauration écologique et la rémunération juste des efforts fournis par les populations et les territoires.
Vers des cadres juridiques robustes et des normes continentales
Les échanges ont également mis en lumière l’urgence de bâtir des cadres nationaux solides, alignés sur les contributions déterminées au niveau national (CDN), et d’accélérer l’opérationnalisation de l’article 6 de l’accord de Paris sur le climat. L’État doit y jouer pleinement son rôle stratégique de garant du crédit souverain.
De nouveaux outils contractuels émergent déjà :
- prix planchers pour sécuriser la valeur du crédit,
- clauses anti-spéculation ;
- modèles continentaux standardisés ;
Autant d’instruments destinés à renforcer la transparence, la prévisibilité et la justice économique envers les communautés africaines.
Par ailleurs, les débats ont porté sur la mise en relief de l’importance des actifs naturels et technologiques de l’Afrique, capables de générer des unités de séquestration (SU) et des crédits souverains de haute qualité tels que les mangroves, qui peuvent être directement activables dans le cadre des nouveaux dispositifs climatiques de l’Organisation maritime internationale (OMI).
Intervention du Directeur général du CAFRAD
Parmi les intervenants, la prise de parole du Dr. Coffi Dieudonné ASSOUVI, Directeur général du CAFRAD a été particulièrement percutante : le constat est clair – le crédit carbone serait loin d’être une solution viable à long terme pour résoudre la question du dérèglement climatique. Rappelant les mécanismes du marché du carbone, le Dr ASSOUVI souligne que cette question est passée au premier plan depuis les accords de Bakou. Il insiste sur le fait que la souveraineté du crédit carbone constitue un levier essentiel permettant aux États d’agir de manière autonome.
Selon le Directeur général du CAFRAD, l’Afrique doit impérativement se doter d’un instrument juridique contraignant afin d’encadrer et de sécuriser son marché du carbone, aujourd’hui largement façonné — et parfois monopolisé — par les puissances occidentales.
Selon les rapports publiés à veille et pendant la COP30 tels que ceux du PNUE, de l’OMM et de l’AIE, révèlent l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre, le diagnostic est préoccupant : la trajectoire actuelle ne permet pas d’atteindre les objectifs fixés (la neutralité carbone) pour 2050.
La mise en œuvre du principe de responsabilité commune mais différenciée demeure, par ailleurs, incomplète. Les pays du Nord n’ont pas encore pleinement assumé les engagements attendus à l’égard des pays du Sud global, lesquels subissent de manière disproportionnée les impacts du changement climatique.
Dans ce contexte, le recours à l’achat de crédits carbone africains pour financer les besoins des États du continent ne saurait constituer une solution durable ni pleinement conforme aux principes d’équité et d’éthique du développement durable.
L’enjeu central consiste plutôt à œuvrer collectivement à un rééquilibrage des relations internationales, en fondant les décisions sur des données scientifiques fiables et en veillant à ce que les pays du Sud global soient considérés comme des partenaires à part entière, dans un esprit de respect mutuel et de coopération constructive.
Absorber davantage, restaurer mieux, être rémunéré équitablement : tel est désormais le droit souverain revendiqué par l’Afrique.



