Le DG du CAFRAD Dr. Coffi Dieudonné ASSOUVI ouvre la réflexion : « repenser la fiscalité béninoise face aux mutations mondiales »

Intervention du Directeur général du CAFRAD, Dr. Coffi Dieudonné ASSOUVI, au colloque scientifique international consacré au thème « A-territorialité et dé-territorialité de l’impôt : quelles conséquences pour le Bénin ? »
Le 14 octobre 2025, dans le cadre du colloque organisé à Cotonou sur le thème « A‑territorialité et dé‑territorialité de l’impôt : quelles conséquences pour le Bénin ? » organisé par le Centre d’Études et de Recherche sur l’Administration et les Finances (CERAF) et la Société Ouest-Africaine des Finances Publiques (SOAFIP), le Dr. Coffi Dieudonné ASSOUVI, Directeur général du Centre africain de Formation et de Recherches administratives pour le Développement (CAFRAD), a pris le devant de la scène pour plaider avec force pour une réflexion profonde et urgente afin d’adapter le système fiscal béninois et africain aux transformations de l’économie mondiale — un enjeu de souveraineté et d’équité.
Plaidoyer pour une “mondialisation du territoire fiscal”
Dans son discours d’ouverture, Dr ASSOUVI a souligné la nécessité urgente pour les États africains, et en particulier le Bénin, d’adapter leurs politiques fiscales à un monde profondément transformé par la digitalisation, la mondialisation économique, et l’essor des activités transfrontalières dématérialisées.
Selon lui, le cadre fiscal actuel, encore largement fondé sur le principe de territorialité, est devenu obsolète face à l’économie numérique et aux pratiques d’optimisation fiscale des grandes multinationales : « L’impôt ne peut plus être pensé uniquement en fonction d’un espace géographique physique. Nous devons créer les conditions d’une imposition juste, efficace et adaptée à cette réalité sans frontières », a‑t‑il déclaré.
Il appelle à une réforme fiscale centrée sur la justice fiscale, la souveraineté économique, et l’efficacité administrative, tout en insistant sur la nécessité de renforcer les capacités techniques de l’administration pour capter les revenus qui échappent encore au contrôle national.
Des interventions complémentaires et convergentes
Le message du Directeur général du CAFRAD a trouvé un écho dans les autres interventions de haut niveau lors du colloque. En effet, M. Nicolas YENOUSSI, Directeur général des Impôts du Bénin, a rappelé que la fiscalité n’est pas qu’un outil de collecte, mais aussi un levier de justice sociale et de cohésion nationale. Il a souligné la difficulté à taxer des entreprises numériques qui génèrent des bénéfices au Bénin sans y être physiquement établies. Lors de son intervention, il a également insisté sur la nécessité de créer des mécanismes pour réduire les inégalités fiscales entre les acteurs économiques, quelle que soit leur structure ou leur dimension.
Dans son intervention, M. Hermann TAKOU, Directeur de Cabinet, représentant du Ministre d’État chargé de l’Économie et des Finances et de la Coopération internationale, a mis l’accent sur la coopération fiscale internationale. Face à des entreprises opérant simultanément dans plusieurs juridictions, il a appelé à une meilleure coordination entre les pays, notamment en s’alignant sur les standards de l’OCDE. Il a affirmé que le Bénin ne pouvait pas mener seul cette transformation, mais devait activement participer aux réformes fiscales mondiales pour éviter de rester en marge.
Plusieurs experts universitaires et praticiens ont également partagé leurs analyses sur les concepts d’a-territorialité (l’activité économique sans ancrage géographique) et de dé-territorialité (la perte de pertinence du territoire dans l’identification des bases fiscales), en soulignant les risques de perte de recettes pour les États s’ils n’adaptent pas leurs outils fiscaux.
Dr. ASSOUVI a complété les deux concepts par un troisième : l’extraterritorialité, qui complexifie l’analyse et la pratique de recouvrement de l’impôt.
Selon lui, les transformations mondiales découlent de l’émergence de ce qu’on appelle désormais les chaînes de valeur mondiales (CVM), l’économie de la connaissance et du savoir, la société de l’information et la théorie de la complexité. Le droit et plus précisément le droit fiscal s’inscrit dans cette complexité et qui exige des juristes une nouvelle formation et une nouvelle appréhension du droit. Les Inspecteurs d’Impôts voient leur métier totalement transformé et leurs pratiques fiscales obsolètes.
Vers une réforme collective et contextualisée
Au-delà des constats, le colloque scientifique a mis l’accent sur la nécessité d’agir vite et ensemble. Les recommandations issues des travaux visent à alimenter une réforme fiscale béninoise alignée sur les réalités de l’économie contemporaine, tout en garantissant une équité entre les acteurs économiques, une sécurisation des recettes publiques, et un climat propice à l’investissement.
En plaçant la voix du Directeur général du CAFRAD, Dr. ASSOUVI dans cette dynamique, les participants reconnaissent que cette transformation ne peut pas se faire uniquement sur le plan technique. Elle doit aussi être philosophique et politique, au service d’un projet de société plus juste, plus autonome, et capable de tirer pleinement parti de l’économie numérique sans se faire marginaliser fiscalement.
En conclusion, le colloque de Cotonou marque un tournant dans la réflexion fiscale au Bénin. Sous l’impulsion des institutions participantes, dont le CAFRAD à travers son Directeur général, une ambition claire émerge : redéfinir la fiscalité non plus selon des frontières physiques, mais selon la réalité économique. C’est un appel à innover, à coopérer, et surtout, à reprendre le contrôle sur une ressource fondamentale de la souveraineté : l’impôt. D’ailleurs, dans le contexte de ces mutations globales et numériques, de l’intelligence artificielle dont le monopole est détenu par le GAFAM, l’influence économique et politique grandissante des multinationales, la souveraineté reste à redéfinir.






